Sources: Rencontres du RESPE, 29 novembre 2018 – Dominique-Marie Votion, Eric Richard, Christel Marcillaud Pitel
À l’automne 2002, une myopathie d’origine inconnue affectant les équidés gardés à la pâture en France. Au cours des années, cette myopathie rencontrée dans un nombre croissant de pays européens est devenue une cause fréquente de mortalité à l’automne, mais également au printemps. Il aura fallu une dizaine d’années pour identifier la cause : une toxine, l’hypoglycine A, contenue dans les graines et les plantules de l’érable sycomore.
Loin de résoudre la problématique, la découverte de la cause a suscité une vague de questions :
Quels sont les arbres toxiques ?
Tous les érables de nos régions ne sont pas toxiques. Les samares et les plantules de l’érable champêtre (Acer campestre) et de l’érable plane (Acer platanoides) ne contiennent pas d’hypoglycine A tandis que celles de l’érable sycomore (Acer pseudoplantanus) sont toxiques.
Les fleurs d’érable sycomore contiennent également la toxine et peuvent constituer une source supplémentaire d’hypoglycine A au printemps, lorsqu’elles tombent sur les pâtures suite de pluies et/ou de vents violents.
Aux Etats-Unis, la myopathie atypique est également causée par un autre arbre : l’érable négundo (Acer negundo). En Europe, il est occasionnellement présent, mais souvent en arbre isolé, planté pour son caractère ornemental.
! Attention : les samares, les plantules, les feuilles et les fleurs peuvent être toxiques !
Le foin aussi peut être toxique : sécher une plante n’enlève pas sa toxicité. Il faut donc éviter de faire du foin à proximité d’érables sycomores.
1. Feuilles, 2. samares, 3. Plantules, 4. Inflorescence d’érable sycomore. Copyright DM Votion
Quand y a-t-il le plus de risques ?
Principalement à l’automne, période où les samares tombent, et au printemps, période où les plantules apparaissent.
Dose maximale tolérée:
- 100g de samares = 80 monosamares
- 500g de feuilles mortes
- Entre 50 et 200g de plantules
- 150g de fleurs
- 2L d’eau en contact avec les plantules
Que faire pour limiter l’intoxication ?
Identifier les zones de dispersion et empêcher leur accès pendant les saisons à risques. Attention, les samares peuvent être retrouvées à 200m de l’arbre (A savoir : un arbre peut produire jusqu’à 24 000 samares).
- Redéfinir les zones de pâturage
- Éviter de déposer le foin au sol, éviter le surpâturage, ne pas hésiter à complémenter si besoin.
- Donner de l’eau potable via le réseau de distribution
- Couper les arbres s’il y a un risque important. Mais attention, pour un arbre tronçonné, un arbre planté.
- Ramasser les samares, utiliser un aspirateur-broyeur,
- Éliminer physiquement les plantules
Quels sont les chevaux les plus touchés ?
Les chevaux les plus à risques sont les jeunes chevaux et les chevaux inactifs. A savoir : tous les types d’équidés sont touchés mais également les ruminants et les cervidés.
Quels sont les premiers signes ?
Les premiers signes sont généralement fugaces (raideur, léthargie) et rarement observés. La maladie a une déclaration soudaine avec un tableau clinique sévère reflétant la destruction musculaire massive de muscles intervenant dans la posture, la respiration et le cœur. Les signes fréquemment rencontrés sont :
- Faiblesse, raideur, difficulté ou refus de se déplacer
- Le cheval est trouvé couché au pré et présente des difficultés ou une incapacité à se lever
- Tremblements musculaires
- Sudation localisée ou généralisée
- L’urine apparaît anormalement foncée
- Le cheval veut manger
Quels sont les premiers gestes à avoir en attendant le vétérinaire ?
Lorsque les signes précédemment décrits sont observés chez un cheval en pâture, à l’automne ou au printemps, la myopathie atypique doit être suspectée et un vétérinaire doit être consulté en urgence. En attendant l’arrivée du vétérinaire, il faut couvrir le cheval si le temps est froid et essayer d’améliorer son confort.
- Mettre le cheval où il peut être au sec et se coucher
- Éviter le stress et toute dépense énergétique inutile
- Ne pas contraindre le cheval
- Aider le cheval à uriner, le réhydrater
- Fournir des substrats énergétiques (foin, concentrés)
Il faut prendre les mesures nécessaires pour le transporter en vue d’une hospitalisation éventuelle. Si possible, il faut récolter les urines émises dans un récipient propre. Il est indispensable de rentrer les compagnons de pâture, en apparence sains, à l’écurie lorsque cela est possible. Si ce n’est pas possible, il faut les transférer vers une pâture non contaminée par des samares et/ou pousses d’érables. Les sujets ayant pâturé dans une prairie où un cas de myopathie atypique s’est déclaré sont susceptibles de développer la maladie dans les 3 jours qui suivent et doivent donc être surveillés de façon intensive pendant ce laps de temps.
Quel est le pronostic de survie d’un équidé souffrant de myopathie atypique ? Comment traiter ?
75% des chevaux atteints décèdent dans les 72h.
Quel que soit le devenir vital du cheval, les signes cliniques sont sévères. Quoique la cause soit connue, il n’existe actuellement aucun antidote à la myopathie atypique. Le traitement symptomatique de cette intoxication aura pour objectifs de limiter l’aggravation de la destruction musculaire, de restaurer une hydratation adéquate et de corriger les désordres acido-basiques et électrolytiques.
Donner des vitamines (B2) et des antioxydants permet d’augmenter les chances de survie.
La myopathie atypique est une maladie devenue fréquente et pour laquelle de nombreuses inconnues persistent. La recherche et la déclaration des cas par le secteur équin sont la clef de voûte des réponses à apporter.