Détecter une boiterie chez mon cheval

Détecter une boiterie chez mon cheval

I – Qu'est-ce qu’une boiterie ?

La boiterie est une anomalie de la posture ou des déplacements causée généralement par une gêne ou une douleur au niveau d’un membre ou plusieurs membres, pouvant également résulter de douleurs à certains organes. La boiterie affecte le système locomoteur du cheval et se manifeste par des allures irrégulières. Lorsqu’un cheval boite, il reporte son poids sur un autre membre pour le soulager, entrainant ainsi une asymétrie de la locomotion.

II – L'origine de la boiterie

Divers facteurs peuvent être à l’origine d’une boiterie. Elle peut résulter d’un choc, provoquant un gonflement. Elle sera alors considérée comme bénigne et sera susceptible de disparaître en quelques jours. La présence de caillou dans la corne, une corne déformée ou de mauvaise qualité, un défaut d’aplomb ou une ferrure inadaptée peut rendre l’appui douloureux. Une boiterie peut par ailleurs découler d’une douleur à l’un des membres, qu’il s’agisse d’une pathologie telle que l’arthrose et le syndrome naviculaire, ou d’une blessure comme un claquage ou une tendinite. Parfois, l’origine de la boiterie peut remonter à des zones supérieures, telles que la rotule, le grasset ou les épaules.

En général, si la boiterie résulte d’une lésion du squelette, des articulations ou des pieds, elle sera plus marquée sur un terrain « dur ». En revanche, si elle est causée par une lésion musculaire ou tendineuse, elle sera plus accentuée sur un terrain « mou ». Celle-ci peut survenir à chaud pendant l’effort, ou à froid, le lendemain d’une épreuve par exemple.

Il est essentiel d’identifier la localisation et les causes de la douleur pour un traitement efficace de la boiterie.


III – Identifier la boiterie

1) L’observation visuelle des déplacements

Les boiteries peuvent être confirmées visuellement en observant les déplacements du cheval sur un terrain plat, en ligne droite, de face, de dos et de profil, au pas et au trot ainsi que sur un cercle. La détection des boiteries est plus facile au trot. Un cheval boiteux transfert son poids sur le membre sain et allège autant que possible le membre atteint.

La personne qui guide le cheval doit veiller à ne pas tirer sur la longe pour ne pas perturber les mouvements du cheval et les manifestations de douleurs. 

Illustration : © Thierry Ségard

En cas de boiterie d’un membre antérieur, on observe une élévation brusque de la tête et de l’encolure lorsque le membre douloureux est à l’appui, suivie d’une redescente lorsque le membre sain frappe le sol. Pour repérer ces signes de boiterie, placez-vous de face ou de profil.

Schéma d'une boiterie au niveau d'un antérieur © Protocole AWIN Horse 2015

En cas de boiterie d’un membre postérieur, la hanche du membre douloureux se soulève lorsqu’il est à l’appui et redescend lorsque le membre sain frappe le sol. Vous pouvez l’observer en vous positionnant derrière le cheval. En vous plaçant sur le côté de celui-ci, observez l’engagement des postérieurs, celui qui avance le moins est généralement responsable de la boiterie. De plus, le cheval maintient moins longtemps le membre douloureux à l'appui, cherchant à reposer rapidement le membre sain. En écoutant attentivement, vous pourrez détecter l’irrégularité du rythme de la marche. 

2) Les outils technologiques

Par ailleurs, des outils technologiques existent pour détecter ces irrégularités. Dans le domaine de la recherche, les systèmes d’analyses vidéo du mouvement et l’enregistrement des forces à l’aide de capteurs électroniques, tels que les plateformes de force au sol ou les fers dynamométriques sous le pied, sont très largement utilisés pour identifier les asymétries.

Des systèmes de mesures des mouvements locomoteurs sont également disponibles, utilisant des capteurs, positionnés stratégiquement sur les points clés de l’observation de la locomotion tels que la nuque, le garrot, la croupe et à l’extrémité des quatre canons. Vous pouvez vous procurer certains de ces systèmes (sangle équipée de capteurs par exemple).

Illustration : © Equisym

Ces dispositifs mesurent les altérations de foulée, l’irrégularité dans la démarche, les modifications d’amplitude et de propulsion, la flexion partielle d’un membre ainsi que les mouvements de la croupe, de la tête et de l’encolure. Les déplacements de la tête et du garrot sont particulièrement révélateurs des boiteries antérieures, tandis que le déplacement de la croupe met en évidence les boiteries postérieures. 

Il est important de noter que la présence d’une asymétrie du mouvement n’indique pas systématiquement une boiterie. Votre cheval peut présenter une asymétrie naturelle et d’autres facteurs tels qu’une mauvaise position du cavalier, un mauvais ajustement de la selle ou une selle inadaptée au cheval doivent également être pris en compte.

Une augmentation anormale de la fréquence cardiaque peut, par ailleurs, indiquer la présence d’une boiterie. Des électrodes intégrées à une sangle peuvent enregistrer en temps réel la fréquence cardiaque de votre cheval. 

3) L’expression de la douleur au repos

Votre cheval peut également exprimer sa douleur au repos. Cette douleur peut se manifester par la suspension d'un membre au-dessus du sol pendant plusieurs secondes. Bien que le repos des membres postérieurs (membre fléchit en posant la pointe du sabot au sol, voir photo) soit un comportement naturel, une prolongation de ce comportement naturel ou son observation sur un membre antérieur peut indiquer un inconfort. 

Illustration : © JackieLou DL, Pixabay

Soyez, par ailleurs, attentif à l’extension d’un antérieur, ce comportement pourrait être exprimé dans l’objectif de réduire la pression exercée sur celui-ci. Des flexions répétées d’un membre, visant à soulager la pression exercée sur celui-ci, sont également des signes d’inconfort. Des membres tremblants peuvent, dans certains cas, refléter une fatigue musculaire ou un effort visant à soulager le poids sur un membre douloureux. Pour se soulager, votre cheval peut aussi chercher à s’appuyer, à soutenir son poids ou à stabiliser son équilibre contre un objet tel qu’une clôture, une paroi de box ou un râtelier.

IV – Les bons réflexes

En cas de boiterie, cessez l’activité du cheval. Examinez les pieds en commençant par la sole, recherchant les cailloux, corps étrangers, perforations de la sole, crevasses au paturon qui pourraient être à l’origine de la boiterie. Évaluez la sensibilité en appuyant sur la sole, la paroi, la fourchette et les glomes. Contrôlez l’état des fers, leur fixité et les clous manquants éventuels. Enfin, n’oubliez pas de curer correctement les pieds de votre cheval. Au moindre doute, faites intervenir votre pareur ou maréchal-ferrant. Que votre cheval soit ferré ou pied nu, veillez à prendre soins de ses pieds, à le faire suivre régulièrement par un professionnel et à entretenir sa corne en fonction de la saison.

Illustration : © Goran Horvat, Pixabay / © M W, Pixabay / © Gayle Lawrence, Pixabay

Soyez attentif à toute chaleur anormale du pied ou du membre. Scrutez ensuite l’ensemble du corps de votre cheval, une boiterie peut résulter d’un problème au niveau du dos par exemple. Soyez attentif aux déformations, gonflements, à la présence de plaie ou de zone chaude.

Une fois que vous avez une idée plus précise de la localisation et de l’origine de la boiterie, il est impératif de consulter votre vétérinaire. Dans certains cas, des radiographies et un traitement médicamenteux peuvent être nécessaires.

Illustration: Vétérinaire qui ausculte l'antérieur d'un cheval. © Adobe Stock/Osetrik

Si votre cheval peut être déplacé, nous vous conseillons de mettre celui-ci au repos et de le rentrer au box ou dans un petit paddock pour éviter d’aggraver la boiterie en attendant l’intervention du vétérinaire.

Vous pouvez rafraîchir les membres de votre cheval en les passant à la douche et désinfecter en cas de blessure.

Illustration : © Petra, Pixabay

Avant le passage du vétérinaire, évitez l’utilisation d’argile et l’administration d’anti-inflammatoire à votre cheval, cela pourrait perturber le diagnostic, et aggraver le problème dans certains cas. Par exemple, l’administration d’anti-inflammatoire à un cheval atteint de tendinite pourrait le pousser à solliciter davantage le membre affecté.

V – Les principales causes de boiteries

1) Boiteries liées aux abcès

L’abcès est l’une des principales causes de boiterie aigüe, résultant le plus souvent d’une infection dans le sabot due à la pénétration de corps étranger comme des cailloux ou des clous créant des ouvertures propices aux bactéries. L’humidité peut également ramollir la corne, offrant une voie d’entrée aux bactéries, particulièrement dans la jonction entre la sole et la paroi du pied.

Illustration: © Alain Laurioux

La détection de l’abcès est souvent complexe, d’où le diagnostic tardif, lorsque l’asymétrie locomotrice devient apparente.

Extrêmement douloureux pour le cheval, l’abcès se manifeste par une boiterie évidente, souvent accompagnée d’une suppression d’appui, d’une chaleur au niveau du pied (paroi, glome, couronne suivant la localisation de l’abcès), d’un pouls digité accentué (pulsation du sang ressentie au niveau de l’artère digitale sur la face interne du boulet) et d’un engorgement du membre atteint. Dans certains cas, le cheval peut également présenter une fièvre modérée, un abattement et une perte d’appétit.

Lors de l’intervention vétérinaire, l’abcès peut être percé, suivi de la pose d’un pansement pour favoriser le drainage du pus et protéger la plaie. Alternativement, le vétérinaire peut choisir de laisser mûrir l’abcès à l’aide de bains de pied et des pansements adaptés. En règle générale, cette intervention n’engendre pas de séquelles à long terme.

Certains chevaux sont sujets à des abcès à répétition en raison d’une qualité de corne médiocre ou d’antécédents tels que la fourbure. Outre un parage régulier, l’utilisation de certains produits peut renforcer la corne, et donc limiter la formation d’abcès. N’hésitez pas à demander conseil à votre vétérinaire.

2) Boiteries liées à des blessures tendineuses ou ligamentaires

Les membres du cheval se composent de nombreux tendons et ligaments importants. Les blessures tendineuses ou ligamentaires peuvent avoir des répercussions significatives sur la locomotion du cheval, et surtout sur sa carrière sportive. 

La boiterie peut résulter d’une inflammation, d’une rupture partielle ou totale des tendons. Une inflammation du tendon est appelée tendinite, tandis qu’une inflammation du ligament est désignée comme desmite. Ces boiteries peuvent également découler d’une plaie mal soignée, entrainant une infection au niveau de la gaine. On parle de ténosynovite septique. Les tendons ou ligaments peuvent aussi être sectionnés lors d’un accident.

Illustration: © Cheval Magazine

En fonction de la nature de la lésion, les vétérinaires peuvent recourir à diverses techniques telles que des traitements anti-inflammatoire, antibiotique en cas d’infection, la médecine régénérative, des soins externes tels que l’utilisation d’argile, de gel ou de douches, des interventions chirurgicales et la pose de pansements pour protéger la plaie sont parfois nécessaires.

Illustration : © AdobeStock/ Image'in

3) Les boiteries liées à l’arthrose


L’arthrose est une maladie articulaire dégénérative caractérisée par la détérioration de l’articulation. Elle peut résulter de l’usure normale liée à l’âge, mais aussi d’une usure prématurée, due à un travail trop intensif par exemple. La boiterie résulte de la douleur articulaire associée à des changements structurels liés à la destruction du cartilage et au remodelage osseux.

Illustration : © Reverdy

Il n’est pas possible de guérir l’arthrose chez le cheval, mais le vétérinaire peut proposer des traitements visant à ralentir son évolution. 

Certaines infiltrations et des traitements tels que des anti-inflammatoires ou des biphosphonates (agis sur le remodelage osseux) peuvent être envisagés pour soulager l’articulation touchée.

Un diagnostic précoce de l’arthrose est crucial pour pouvoir adapter l’environnement et le travail du cheval. Maintenir un certain niveau d’exercice est essentiel dans la gestion de cette maladie.

Illustration : © Thierry Ségard

4) Les boiteries liées à la fourbure

La fourbure est une inflammation de la lamina (tissus spécialisés qui relient l’os du pied et le sabot du cheval). Lorsqu’un cheval est affecté, il a tendance à déplacer son poids vers l’arrière pour soulager le stress sur les membres antérieurs, généralement les plus touchés. La boiterie est souvent intense, entraînant des difficultés significatives lors des déplacements. 
Un diagnostic et un traitement rapide de la fourbure sont essentiels pour prévenir la rotation complète de la troisième phalange et minimiser les séquelles à long terme. L’objectif principal du traitement est de soulager la douleur.

Illustration : Schémas d'un pied sain (parois dorsales du sabot et de la phalange distale parallèles) / de pieds fourbus (parois dorsales du sabot et de la phalange distale ne sont plus parallèles) / aplomb du cheval sain VS cheval campé © M. Delerue

Votre vétérinaire recommandera souvent l’utilisation d’anti-inflammatoires non stéroïdiens pour atténuer la douleur et réduire l’inflammation. Un parage ou une ferrure adaptés peuvent également être conseillés. Pour les chevaux en surpoids, la perte de poids peut être cruciale.

Illustration : Fer en M © J.M. Goubault

Les fourbures sont de plus en plus associées à des maladies hormonales telles que la maladie de Cushing (maladie hormonale fréquente chez les chevaux âge, caractérisée notamment par des anomalies de la mue). La gestion de ces pathologies au moyen de traitements spécifiques contribuera également à limiter leur risque.

5) Boiteries liées au syndrome naviculaire

La boiterie, souvent chronique, est fréquemment associée à des douleurs provenant de l’os naviculaire et des structures environnantes, avec par exemple :

  • Os naviculaire : fracture, ostéolyse (destruction du tissu osseux), sclérose (épaississement du contour de l'os), présence d'ostéophytes (excroissances osseuses à la surface de l'os) ;

  • Tendon fléchisseur profond du doigt : tendinite ;

  • Bourse naviculaire : bursite ;

  • Ligaments : desmite, présence d'enthésophytes (cicatrisations osseuses au niveau de l'attachement du ligament avec l'os).


    Les chevaux commencent à présenter généralement des signes de boiterie entre 7 et 9 ans, bien que cela puisse varier. Leurs foulées tendent à être assez courtes et l’asymétrie s’intensifie sur des sols durs.

Comme pour l’arthrose, il n’existe pas de traitement curatif pour cette affection. La gestion implique un parage correctif et/ou l’utilisation d’une ferrure orthopédique adaptée.

Votre vétérinaire peut également recommander des médicaments en fonction de la progression de la maladie, notamment pour soulager la douleur. 

Illustration : Egg-bar shoe © J. Etiemble

VI – Conclusion

Il existe d’autres boiteries qui peuvent résulter de problèmes telles que des atteintes au niveau du dos, des fractures ou fêlures ou des problèmes neurologiques. En cas de problèmes de locomotion, votre vétérinaire demeure le professionnel de référence, n’hésitez pas à le solliciter.