Quelle est la meilleure méthode pour affourager les chevaux en groupe ?

Quelle est la meilleure méthode pour affourager les chevaux en groupe ?

Les chevaux, en tant qu'herbivores, possèdent un système digestif particulièrement adapté à une alimentation riche en fibres. En milieu naturel, ils passent près de 16 heures par jour à rechercher et consommer leur nourriture, prenant de petits repas tout au long de la journée. La méthode traditionnelle de distribution de fourrage, limitée à deux ou trois fois par jour, présente de nombreux inconvénients pour la santé digestive et le bien-être mental des chevaux, tels que des problèmes digestifs et l'apparition de comportements stéréotypés dus à l'ennui.

Pour les chevaux vivant en groupe, une disponibilité réduite de fourrage peut également augmenter l'agressivité et le risque de blessures. Cependant, offrir du fourrage à volonté peut être problématique dans certains cas, en particulier pour les races rustiques ou ceux avec une activité physique réduite, qui risquent le surpoids et l'obésité. Cet article répond ainsi à la question : Quelle solution est la plus bénéfique pour la stabilité des groupes et le bien-être individuel des chevaux ?

Cet article se base sur une étude qui a été menée par une thésarde du haras national suisse d’Agroscope, en partenariat avec l'IFCE, et qui a été présentée lors des JSIE de Saumur 2024 (Journées sciences et innovations équines).

Cette étude a été réalisée sur 18 juments séparées en quatre groupes. Les groupes étaient stables depuis plusieurs mois et les juments habituées à recevoir du foin sous des filets. Chaque groupe a alors été alternativement soumis à trois modes d’affouragement différents : affouragement « traditionnel » (trois repas d’une durée de 2h, à 7h, 13h et 19h), « fractionné » (six repas d’une durée de 1h, toutes les 4h) et « slowfeeding » (foin à volonté sous filet).

Le but premier était donc de comparer deux modes d’affouragement restrictifs au temps total identique (6h) mais avec des durées de repas et de pauses entre les repas différentes. Le second était de les comparer à un mode d’affouragement à volonté, tout en vérifiant si le filet n’allait pas perturber les chevaux. Les trois modes d’affouragement ont été testés sur cinq semaines chacun, après trois semaines d’acclimatation pour les juments.

Pour savoir "Comment bien gérer les groupes de chevaux", vous pouvez également vous référer à cet article du label EquuRES.

Les premières analyses de l'étude soulèvent deux faits : le fractionnement des repas pourrait causer plus de frustration chez les chevaux que la méthode d'affouragement dite traditionnelle et l’affouragement à volonté filets semble réduire le risque de blessure et satisfaire davantage les besoins des chevaux en termes de durée d'alimentation.

Résultats principaux concernant l’affouragement « slowfeeding »

  • Les chevaux passent environ 70 % de leur temps à s'alimenter, ce qui est comparable à leur comportement naturel ;

  • Presque aucun signe de frustration dirigée vers les filets n’a été observé, et aucun incident lié à l’utilisation des filets n’a eu lieu durant les quatre mois de l’étude ;

  • Le niveau d’agressivité pendant les repas était similaire entre le slowfeeding et l’affouragement traditionnel. De même, la durée du repos couché était identique entre les deux méthodes ;

  • Une augmentation des comportements affiliatifs (interactions sociales positives) a été notée pendant l’affouragement slowfeeding par rapport aux autres méthodes ;

  • Moins de blessures localisées sur le corps (et donc susceptibles de résulter d'agressions directes) ont été relevées avec le slowfeeding en comparaison avec les deux autres modes d’affouragement.

Filet à foin slowfeeding, avec possibilité d'ajouter une cloche à fourrages

Comparaison de l’affouragement « traditionnel » avec le « fractionné »

  • Pour ces deux affouragements restrictifs, une hausse des comportements agonistiques (interactions sociales conflictuelles) a été observée durant le premier quart d’heure du repas, davantage encore avec l'affouragement "fractionné".

  • En dehors des repas, la fréquence des interactions agonistiques est similaire entre les deux méthodes.

  • Un comportement de lignophagie (grignotage des abris en bois) a été observé avec l’affouragement traditionnel, alors que ce n’était pas le cas avec l’affouragement fractionné.

  • Le temps de repos couché des chevaux a significativement diminué avec l’affouragement fractionné.

Comportement agonistique pouvant survenir dans les groupes de chevaux et durant les prises alimentaires

En conclusion

Les filets n'ont pas dérangé les juments, qui ont passé environ 70 % de leur temps à s’alimenter, ce qui est similaire à leurs comportements naturels. Toutes les juments étaient déjà habituées aux filets de taille moyenne (4,5 cm), et aucune blessure n’a été signalée durant l'étude, même avec des chevaux ferrés. Le slowfeeding a favorisé des interactions sociales positives et a réduit les blessures par rapport aux autres méthodes restrictives, ce qui confirme d'autres études montrant les bénéfices d'un accès plus constant au fourrage.

En revanche, les comportements agressifs ont augmenté au début des repas avec les méthodes restrictives, surtout avec le fractionné, contrairement aux attentes. On s'attendait à plus de stress avec le mode traditionnel, en raison des longues périodes sans nourriture, mais cela n’a pas été observé. La lignophagie (comportement où les chevaux mâchent et grignotent du bois), observée avec l'affouragement traditionnel, mais absente avec le fractionné, pourrait indiquer un besoin non satisfait.

Le fractionné a provoqué plus de comportements conflictuels que le traditionnel, possiblement en raison de la durée plus courte des repas (1h contre 2h). Les chevaux pourraient trouver cette période insuffisante pour se nourrir correctement, surtout dans des groupes avec peu de places par râtelier.

Le régime fractionné a également réduit le temps de repos couché, un indicateur de bien-être, probablement à cause des créneaux nocturnes.

En conclusion, les filets (slowfeeding) semblent réduire le stress et l’agressivité liés à l’alimentation si les chevaux y sont habitués.

Cette méthode d'affouragement est prônée par EquuRES grâce aux nombreux bienfaits qu'elle apporte : notre article "Qu’est-ce que le slowfeeding et quels sont ses avantages ?" est à retrouver ici.

Des labellisés EquuRES ont mis en place le slowfeeding au sein de leur structure :

L'Agricampus ATH Laval, écurie ouverte labellisée EquuRES à l'échelon Progression, a installé des râteliers Durapoly et des filets slowfeeding pour leurs chevaux d'enseignement. Vous pouvez retrouver son article de labellisation juste ici.

Le Haras du Manoir, labellisé EquuRES depuis 2018, a mis en place des filets à foin slowfeeding pour ses chevaux de club dans leurs grandes stabulations. Vous pouvez retrouver son article de labellisation juste ici.

Sources

Affourager les chevaux en groupe : quelle est la meilleure option ?

  • Marie Roig-Pons, Iris Bachmann, Sabrina Briefer

  • University of Bern, Vetsuisse Faculty, Animal Welfare Division

  • Agroscope, Haras national suisse