Mieux comprendre le co-pâturage ovins et équins

Mieux comprendre le co-pâturage ovins et équins

Utilisée depuis plusieurs décennies par les éleveurs, la technique du « pâturage mixte » connaît un bon nombre d’avantages qui attire de plus en plus de propriétaires d’herbivores.

Le pâturage mixte consiste en l’intégration de différentes espèces herbivores sur une même surface simultanément ou de manière alternée sur une saison de pâturage. Les bénéfices semblent depuis longtemps connus des éleveurs mais très peu d’études scientifiques les ont prouvés.

Si l’INRAE et l’IFCE ont mené un projet de recherche nommé PaturBovEquin dont les données recueillies révèlent des résultats encourageants, le pâturage ovins / équins semble être moins renseigné. Cependant, les avantages de ce co-pâturage sont multiples, aussi bien au niveau de la gestion des cheptels, de la prairie, du comportement et de la santé des animaux, sous réserve d’une attention particulière du côté sanitaire.

I- PÂTURAGE DU CHEVAL ET DU MOUTON, LES SPÉCIFICITÉS :

Dans le choix alimentaire au pâturage, les chevaux ont tendance à sélectionner les zones rases et intermédiaires de bonne valeur nutritive. Ils coupent l’herbe à un ou deux centimètres au-dessus du sol et présentent l’avantage de s’attaquer à la végétation ligneuse.

Les équidés concentrent leurs déjections au même endroit contrairement aux ovins, ce qui limite l’enrichissement du sol sur l’ensemble de la parcelle. Ils délaissent les plantes qui y poussent et qui y pousseront l’année suivante. Ces emplacements, appelés « refus » forment de larges taches de végétation haute.

Comme les vaches, les moutons dispersent leurs déjections mais ne créent pas de refus et tondent partout l’herbe à ras. Les parcs où ils broutent ressemblent à ce qui pourrait s’apparenter à des terrains de golf.

Les moutons et les chevaux ont des préférences alimentaires différentes. En les faisant pâturer ensemble, cela favorise une utilisation plus complète de la végétation disponible et peut permettre un meilleur contrôle des mauvaises herbes et une gestion plus efficace de la végétation. De plus, la présence de différentes espèces animales peut contribuer à maintenir un équilibre écologique plus sain dans l'écosystème, favorisant ainsi la biodiversité.

II- VIE SOCIALE ET COHABITATION :

Que ce soit pour des motifs financiers ou par manque de temps, il n’est pas toujours possible de posséder plusieurs chevaux. Trouver un compagnon se révèle une bonne solution pour épargner la solitude à cette espèce grégaire. En général, l’équidé s’entend plutôt bien avec les animaux de la ferme et la vie en communauté peut fonctionner en respectant les conditions de vie de chacun.

Illustration : Pâturage mixte - Lemagdesanimaux.ouest-France

Les chevaux et les moutons peuvent donc partager le même pré. L’ovin se nourrit des herbes de la pâture, du foin du cheval et de céréales quand la verdure se raréfie. Un suivi vétérinaire régulier s’impose toutefois car le mouton est parfois porteur de maladies transmissibles aux chevaux, comme la Douve.

Bien entendu, il faut penser aux soins qui concernent le mouton tels que la tonte annuelle et les éventuels frais de vétérinaire que cet animal peut engendrer. Mais globalement, le mouton est un bon compagnon pour un cheval.

Si la cohabitation entre les 2 espèces n’est pas possible (cas particuliers par exemple), le pâturage par les 2 espèces reste un bon moyen d’entretenir vos prairies. Pour cela, privilégiez un pâturage par les chevaux en premier, puis changer les chevaux de prairie afin de faire pâturer les moutons après eux. De plus, le risque sanitaire sera diminué si les ovins pâturent après les équidés plutôt qu’avant ces derniers.

Sinon, le co-pâturage bovins et équins est également un bon moyen d’entretenir ses prairies en favorisant le lien social entre les animaux. Vous pouvez vous référer à l’article : QUEL EST L'INTÉRÊT DU PÂTURAGE MIXTE (ÉQUINS-BOVINS) ?


III- PARASITISME ET DOUVE :

La cohabitation d'espèces différentes augmente le risque de transmission de maladies entre les animaux, bien que ce risque puisse être atténué par des pratiques de gestion appropriées.

Les Trématodes sont des parasites internes des ruminants fréquemment rencontrés, on parle de grande douve ou Fasciolose.

Illustration : Cycle de la Douve chez les équidés - ESCCAPFRANCE

Son impact sur la santé et sur la croissance des animaux peut être sévère et entraîner des pertes économiques majeures en élevage, d’où l’intérêt de bien connaître cette parasitose afin de la maîtriser de manière efficace.

Fortement pathogène pour les ovins et résistante dans l’environnement ainsi que dans les hôtes porteurs, la Douve est un ver plat parasite infectant le foie et les voies biliaires des herbivores ruminants, particulièrement les ovins, mais peut également se transmettre aux équidés.

Parmi les signes cliniques observés chez les ovins, citons l’abattement général, un affaiblissement, la perte d’appétit, une perte de poids, une anémie, la pâleur et œdème des muqueuses et des conjonctives, un œdème sous-glossien (« signe de la bouteille »), la douleur à la palpation dans la zone du foie, ainsi que la mort.

Chez le cheval, les signes cliniques sont, la plupart du temps, peu prononcés et peu spécifiques. L'infestation peut s'accompagner d'une baisse de forme, d'un amaigrissement, d'une baisse d'appétit, d'un poil piqué, de muqueuses jaunâtres, de diarrhée.

L’épidémiologie de la maladie est influencée par les habitudes au pâturage des animaux. En effet, le risque d’infection est plus élevé chez les animaux broutant dans les zones marécageuses et les environnements légèrement acides appréciés par le parasite. Les longues saisons humides sont généralement associées à un taux plus élevé d’infection. Il est cependant plus probable que les moutons ingèrent une quantité importante de kystes au cours des périodes sèches suivant une saison humide. Ce phénomène s’explique par la diminution des pâturages disponibles, ce qui force l’animal à brouter dans des zones marécageuses ou des zones asséchées, l’exposant ainsi à une végétation davantage contaminée.

Pour aller plus loin, vous pouvez retrouver notre article : MIEUX COMPRENDRE L’INFESTATION DES PARASITES DIGESTIFS.

IV- CONSEILS ET RACES LES PLUS RUSTIQUES :

  • Débarrasser les animaux du parasite pour éviter l’impact zootechnique négatif et limiter l’infestation des parcelles.

  • Il est impératif que les deux animaux soient traités contre les parasites, vaccinés et vermifugés afin qu’aucune maladie ne soit transmissible à l’un ou à l’autre. Il n’y aura aucun risque si le mouton et le cheval ont un suivi médical sérieux : Au minimum deux traitements annuels sont conseillés contre la douve pour les moutons. Pour les équidés, un vermifuge par an est nécessaire sur des animaux sains, il en faudra davantage si le cheval est parasité.

  • Il n'est pas nécessaire de traiter les chevaux de façon préventive avec un douvicide. Cependant, une vigilance accrue doit être portée aux équidés exposés aux principaux facteurs de risque (prairies très humides, co-pâturage avec des ruminants…). Il est conseillé de restreindre l'accès aux zones humides et cours d'eau (ruisseaux…) ou d'entretenir les berges le cas échéant.

Les races rustiques, telles que les chevaux Fjords et Koniks, les moutons Mergellands, Roux ardennais et Soay ou les ânes, sont en général plus résistantes aux maladies, aux parasites et aux intempéries. Elles ont donc besoin de moins de soins et peuvent rester à l’extérieur toute l’année. Les poneys Fjord peuvent être utilisés le long des cours d’eau car ils ne détruisent pas les berges.

Illustration : Poneys de race Fjord

V- Bonnes pratiques et avantages :

  • Même si la mixité d’espèces permet de « diluer » les parasites spécifiques à chaque espèce, les systèmes herbagers restent particulièrement exposés aux parasites. Il faut en particulier veiller aux parasites communs entre espèces. Une bonne gestion sanitaire via les vaccins et les vermifuges pour chaque animal est impérative.

  • En revanche, avoir des moutons demande une tonte au moins une fois par an, après les risques de gelées majeures et avant les risques de fort soleil. La laine des moutons est une fibre qui pousse en continu. Elle protège donc le mouton contre les agressions de l’hiver, mais devient gênante pour l’animal quand viennent les beaux jours. Épaisse, sale, la laine est pleine de débris de paille, de foin, de grains et de parasites. Tondre l'animal est donc indispensable pour sa santé et son dynamisme.

  • Les ovins ont une tendance à brouter une plus grande variété de plantes, y compris certaines mauvaises herbes que les chevaux pourraient ne pas consommer. Ainsi, le pâturage mixte de moutons et de chevaux peut contribuer au contrôle naturel des mauvaises herbes dans le pâturage.

  • Prévoir des équipements en adéquation avec chacune des espèces utilisées :

    • Au niveau des clôtures, le pâturage par les moutons nécessite un filet, un grillage ou une clôture basse, tandis que le pâturage par les vaches nécessite une clôture barbelée, ce qui n'est pas recommandé pour les chevaux sans une double clôture électrique afin d'éviter les accidents.

    • Au niveau des abreuvoirs, un mouton consommera une quantité d'eau d'en moyenne 2 à 5 L par jour. Le cheval consomme entre 20 et 40 L d'eau par jour. La vache consomme entre 40 et 80 L d'eau par jour. Si la hauteur des abreuvoirs des chevaux est trop élevée pour les moutons, un petit bac à remplir de temps en temps suffira pour cette espèce.

Illustrations : Clôtures adaptées aux 2 espèces animales

  • Au niveau de la gestion des animaux, les ovins sont des animaux moins massifs et donc moins dangereux que les bovins. La gestion sanitaire, le déplacement du troupeau, le transport des animaux etc... peuvent alors être plus simples, ou moins dangereux, pour les éleveurs et propriétaires, surtout si les animaux sont peu manipulés.

  • Pour une meilleure introduction d'une espèce animale avec une autre, il est possible, d'abord, de les faire pâturer séparément sur des parcelles adjacentes. Ensuite, le mouton étant un petit ruminant, leur quantité d'herbe consommée par jour sera moins importante que celle des vaches, ce qui peut permettre un pâturage plus long des prairies, en fonction de la quantité d'herbe présente dans ces dernières.

  • Le co-pâturage est une méthode de production plus « naturelle » répondant aux attentes environnementales et sociétales. Il permet de limiter le recours aux intrants, minimiser les résidus chimiques dans l’environnement, et de diminuer la gestion mécanique des refus sur les prairies. De plus, il permet une plus forte production à l’hectare, une diversification des sources de revenus, une flexibilité par rapport à la demande du marché et aux fluctuations des prix.

VII- SOURCES :